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Chez Mélopée
20 décembre 2009

Parole de ventriloque de Pauline Melville

ventri10Avant de donner mon opinion sur ce livre, je vais me baser sur la quatrième de couverture :
Parole de ventriloque est un roman drôle et sensuel, vif et direct, plein des sons et des senteurs, des mythes et des légendes du Guyana. Il rapporte des événements tragiques dus aux oppositions entre la culture amérindienne et les valeurs européennes durant trois générations.
Au centre du récit, la relation incestueuse entre un frère et une sœur, Danny et Béatrice McKinnon, les enfants d'une Indienne wapisiana et d'un libre-penseur écossais. L'histoire atteint son sommet avec l'éclipse de soleil de 1919 qui symbolise le choc des cultures car, selon les mythes indiens, l'inceste est lié aux mouvements du soleil et de la lune. Les Indiens l'admettent sans l'approuver, mais il est prohibé par les "agents civilisateurs", dont le père Napier, un missionnaire jésuite exalté, homosexuel refoulé, qui veut l'anéantissement du couple. Son acharnement déchaînera violences et folies.

C'est donc un récit largement influencé par les phénomènes météorologiques qui prend place ici. L'éclipse est vécue comme un événement funeste, agissant sur les Amérindiens qui sont comme soumis à des légendes héritées et véhiculées de part en part.

Tout est très habilement suggéré, dans un style qui ne permet pas les larmoiements ni le dégoût mais incite à la curiosité et à la découverte approfondie. Car ces mythes amérindiens paraissent en effet bien ancrés et être comme des fatalités autour desquelles les personnages sont tiraillés. On ne peut qu'être désorienté par la force de la nature et par ces significations colportées par les Indiens du Guyana.
Outre le vocabulaire assez incompréhensible pour tout citoyen civilisé, on se prend à imaginer ce que peuvent bien désigner ces mots : waam, kanaïma... Et la vie là-bas semble codifiée car hantée par les traditions.
C'est un paysage en plein cœur de Rupununi où nous sommes conviés à convoler.

J'aime relever des passages qui me paraissent bien plus significatifs que de grands discours :

Mais évidemment. L'information c'est le nouveau pactole. Vous, une intellectuelle, vous devez savoir ça. La connaissance que j'ai des Indiens est une façon de prendre possession d'eux - je l'admets. Nous leur disputons la possession du territoire intellectuel. Mais c'est mieux que de leur voler leur terre, n'est-ce pas ? (pp. 100-101)

Après qu'ils eurent mangé, le père Napier insista pour qu'ils disent merci à Dieu. Il expliqua du mieux qu'il put dans son macusi hésitant ce qu'ils étaient censés faire. Titus, le Macusi, prit un air perplexe et s'adressa en wapisiana à Siriko qui à son tour parla aux Taruma. Ce ne fut qu'alors que le père Napier se rappela qu'on lui avait signalé qu'aucune de ces langues ne connaissait le mot "merci". Lorsqu'ils furent enfin tous rassasiés, Titus, pour être aimable, leva la paume de sa main au ciel et dit posément :
- Ça ira comme ça, dieu.
(p. 220)

Cette plongée en plein cœur de la civilisation indienne avec tous ces rites m'a plu. J'ai d'autant plus apprécié ce livre au style incisif, qu'on le sent très empreint de respect et de discrétion. Il y a comme une certain noblesse et une grandeur d'âme dans ces Indiens qui nous ouvrent leur village.

8/10 pour moi !

Parole de ventriloque (aussi appelé Le conte du ventriloque) - Pauline Melville ; traduction de Christian Surber (Ed. Zoé, 2002, 419 p.)

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Commentaires
M
Pour le coup là c'est dépaysant comme lecture ;)
H
Jamais entendu parler mais pourquoi pas! Bises
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