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Chez Mélopée
1 février 2010

L'arrangement d'Elia Kazan

Il a été retors ce livre et d'autant plus maintenant que j'essaie d'en faire une critique.

Eddie Anderson, la quarantaine bien installée, est un homme à femmes. Bon père de famille, boarrangementn mari, propriétaire d'une belle villa qui cumule deux emplois (l'un en tant que publicitaire pour une marque de cigarettes et l'autre en tant que critique particulièrement redouté dans un journal) est notre héros. Mais il est aussi un Don Juan insatiable dont la vie commence à prendre le large lorsqu'il fait la connaissance de Gwen, jeune femme impertinente qui au départ le rejette.

Car Eddie, qui jusque-là camouflait au mieux ses aventures extra conjugales, prend de l'assurance et ne se gêne presque plus à mener une double vie. Une banale histoire d'adultère vous allez me dire? Eh bien non car c'est bien plus vers le cheminement intérieur de notre narrateur qui se perd, écartelé que nous nous dirigeons. Et c'est un accident de la route qui va accélérer la déchéance de cet homme qui entraine dans sa descente les deux femmes de sa vie. Lui qui n'arrivait pas à choisir, lui qui jonglait avec les sentiments et le sexe, le voilà qui sombre peu à peu dans l'indifférence. Neutre en toute situation, tout à fait distancié de la vie réelle il a de quoi agacer car il se laisse porter. Et au fil du récit c'est ce que l'on rêverait de lui asséner : "mais bouge-toi un peu, prends ta vie en main, sois une fois dans ta vie responsable !"

Je crois que le plus rageant est de voir tous les gens autour qui se montrent conciliants, compréhensifs et qui par leur entente tacite encouragent notre narrateur à rester dans sa torpeur. Tous les personnages finissent par devenir foncièrement antipathiques, foncièrement égoïstes car, en épargnant celui qui semble sombrer dans la folie, ils gardent leur petite vie sûre et confortable.

Que dire de ce livre? Je dirais qu'il m'a assez secoué dans le sens où c'est bien la première fois que j'ai détesté à tour de rôle chaque personnage. Tous me semblaient faux, ancrés dans les préjugés et les convenances. J'ai bien envie de voir le film pour voir le contraste avec le livre. Mais je crois que ce sentiment de rejet a eu finalement du bon car je crois que c'est le genre d'histoires qui peut me marquer. Déjà car des gens "immoraux", des gens qui se complaisent dans l'adultère, je crois que tout le monde en connais au moins une poignée dans sa vie. Et plonger dans les tréfonds de cette psychologie qui frôle la pathologie est un bon moyen d'évoluer et de se faire sa propre opinion sur le sujet. J'ai aimé l'ambivalence des états du narrateur qui jongle entre pleine conscience des événements et total sentiment d'indifférence vers la fin du récit.
Je crois avoir nettement plus compris et trouvé d'excuses à Eddie lorsqu'il gérait son trio dans la vie active. Puis lorsqu'il tombe dans une sorte de complaisance, dans une tentative de grandeur d'âme, je l'ai trouvé tout bonnement désagréable et irritant. Heureusement que les histoires restent en partie de l'ordre de l'imaginaire car en tant que femme cocufiée et baladée, je l'aurais juste trainé dans la poussière jusqu'à ce qu'il demande pardon (ouf, on l'a échappé bel).
Mais on sent tout de même la forte empreinte cinématographique avec beaucoup de dialogues qui rendent le récit plus dynamique. Beaucoup de scènes paraissent d'ailleurs être un instantané de la réalité plutôt que l'œuvre d'une imagination quelconque.

Eddie, lors d'un dialogue avec Gwen, sa maitresse :
- Tu ne peux pas le supporter. Lui, oui. Tu ne peux pas affronter la réalité.
- Essaie voir. Qui encore?
- Un Noir que je connaissais au lycée et qui était amoureux de moi dans le temps [...]
- Qui encore?
- Son meilleur ami.
- Un Noir, aussi?
- Tu as quelque chose contre les Noirs?
- Oui. Je ne veux pas qu'ils baisent ma femme. Ni les Blancs, d'ailleurs, ni les Chinetoques, ni les Espingouins, ni les Ritals, ni les Grenouillards ! (p. 447)

Voilà un livre qui m'a été gentiment prêté par mon amie Clochette et que je souhaite remercier pour la découverte.

L'arrangement - Elia Kazan ; traduction de France-Marie Watkins (Stock, 1969, 700 p.)

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Commentaires
M
@ Groucho : Bien sûr qu'on le lit toujours "L'arrangement". Ma mère l'a lu avant moi et c'est un livre qui m'intriguait alors j'y suis allée aussi. Mais tout le monde peut y trouver son compte j'en suis certaine.
G
Bonjour Mélopée!<br /> Je suis rendue au milieu de ce bouquin, et plus j'avance, plus je lis lentement tellement je trouve riche et dense cette lecture. C'est très secouant, et très beau aussi quand Eddie raconte l'histoire de sa famille. Il y a tellement de "stock" là-dedans, que je dois faire des pauses, mâcher avaler et digérer!!!Je suis heureuse de voir que d'autres personnes le lisent et l'apprécient!
M
@ Brize : Il faut que je voie le film ! S'il me perturbe autant que le livre, je sens qu'il trouvera beaucoup d'échos chez moi ;)
B
J'ai lu le livre il y a bien longtemps et j'avais vu le film à la même époque : j'avait trouvé les deux très forts !
L
J'adore ton jeu de mots : dé-livrer...
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