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Chez Mélopée
21 février 2010

Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline

voyage_au_bout_de_la_nuitAvant d'en faire la lecture je savais que ce livre était sujet à des opinions très contrastées dues aux tendances antisémites de Céline qui ont fortement entaché ses écrits. Mais ce livre mérite une appréciation toute personnelle, une réflexion bien en amont du qu'en-dira-t-on, des rumeurs et autres préjugés véhiculés jusque-là.

Ferdinand Bardamu c'est notre anti-héros, c'est l'incarnation du vice et de la faiblesse mais c'est surtout un bien digne représentant de l'espèce humaine. Lâche quand il s'agit de se battre pour la Nation, d'humeur renfrognée quand il s'agit de partir en "exil". Loin du front, il fuit sa mère avec qui il entretient des rapports conflictuels et s'engage pour l'Afrique dont l'exotisme lui laisse à penser à une échappatoire au soleil.

D'aventure en aventure, les péripéties s'enchainent et Ferdinand est un intrus partout. Il gagne le nouveau continent porteur de l'American dream et se laisse transbahuté dans une vie de débauche et de petit pauvre des bas quartiers.
Mais le pain est toujours meilleur ailleurs alors la nuit s'étire jusqu'en France où notre héros exerce maintenant l'enviable métier de médecin. Peu respecté, en tâtonnement dans sa vie sociale, Ferdinand s'emploie à se faire un nom et une clientèle. Son périple s'étend à Toulouse et la quête d'une installation sereine s'éloigne car tous lieux semblent évocateurs d'une certaine représentation de la bassesse de population.

Et les femmes valsent dans sa vie comme des oiseaux de mauvais augure : Lola, Musyne, Molly... qui ne sont que des apparitions fugitives, des réhausseurs de dignité.
Enfin, il y a le fameux Léon, surnommé Robinson, qui est un compagnon de virée, un confrère d'infortune qui semble lié comme un aimant à une destinée funeste.

Quel œuvre magistrale ! C'est splendide de descriptions finement ciselées et originales. Point d'ennui, tout est bon pour rire sur les petits travers du quotidien : des femmes rondelettes hantant les pâtisseries à celles vénales et profiteuses. C'est un bel exercice qu'a réalisé Céline, un portrait truculent du genre humain dans tout son égoïsme et sa noirceur.
Il est des âmes qu'il est bon d'exposer au grand jour et c'est en fomentant une échappée dans la nuit profonde que les êtres paraissent plus petits et miséreux.
Qu'ai-je aimé? D'alterner entre sourires et tristesse, d'être surprise par les tournures, par les images et autres figures de style toutes aussi renversantes les unes que les autres. Je ne suis pas d'accord pour qualifier ce livre de vulgaire classique empli de stéréotypes, car la dimension est bien au-delà et on remercierait volontiers Céline de nous terrasser sous cet obus.

Il dormait comme tout le monde. Il avait l'air bien ordinaire. Ça serait pourtant pas si bête s'il y avait quelque chose pour distinguer les bons des méchants. (p. 160)

Il transpirait des si grosses gouttes que c'était comme s'il avait pleuré avec toute sa figure. (p. 496)

En résumé, un livre qui reste dans les esprits et qui donne envie d'en découvrir un peu plus sur cet auteur fortement décrié mais qui a des qualités littéraires incontestables !
Pour d'autres avis, allez voir chez Wictoria qui a fait un très bon billet, chez Kastor, chez Moineau, chez Lillounette, chez Roxane, chez Julien, chez Thom, chez Milou, chez Hank entre autres. Des critiques très complètes et assez unanimes sur la valeur de cette pièce maitresse.

Voyage au bout de la nuit - Louis-Ferdinand Céline (Gallimard, coll. Folio, 2008, 505 p.)

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Commentaires
M
@ Lapinos : Effectivement il n'y a pas de propos antisémites mais je voulais tout de même en faire la mention en guise d'introduction car Céline est jugé et non lu principalement pour ses convictions personnelles. C'est ce que j'ai trouvé dommage : qu'on aille pas en amont lire ce classique afin de se rendre compte que Céline ce n'était pas qu'un homme politiquement incorrect.<br /> Quant à "Mort à crédit", c'est bien le prochain que je compte lire. Merci à toi en tout cas pour cette contribution fort utile !
L
Le "Voyage" a été acclamé comme un bouquin de gauche à sa sortie et ne contient pas de propos antisémites. C'est plus tard que Céline a écrit des bouquins contre les juifs, mais aussi les banquiers, les curés catholiques, les écrivains bourgeois, un peu tout le monde en fait, qu'il accusait de fomenter une nouvelle guerre.<br /> <br /> Moi je préfère "Mort à Crédit" qui se passe surtout à Paris et qui est beaucoup plus drôle.<br /> (Le résumé de Mélopée est bien écrit.)
M
@ Mathilde : On m'a offert une partie de ses livres en la Pléiade. Je sens que je vais quand même m'aventurer dans d'autres de ses œuvres. Mais j'aurais commencé par son histoire phare.
M
J'avoue que j"ai commencé Mort à crédit mais il m'a moins intéressée...j'en reste donc à celui-ci seulement!
M
@ Sandy : Je comprends parfaitement ton sentiment ! C'est quelque part un peu comme "Les Bienveillantes" : on aime ou on déteste. Mais pourtant je persiste à croire qu'il faut persévérer avec Céline :)<br /> <br /> @ Géraldine : Oh je te remercie Géraldine. Un jour peut-être? Si tel est le cas, je suivrai tes critiques mais même sans ça je garde un œil jamais bien loin.
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