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Chez Mélopée
24 mars 2010

Autant en emporte le vent de Margaret Mitchell

 autantNous sommes en Géorgie, dans le sud des États-Unis peu avant la guerre de Sécession et c’est dans un roman-fleuve que débute une étrange saga. Étrange dans le sens où ce n’est pas une histoire de lutte ou de combat armé qui est relatée ici. On apprendra d’ailleurs que Scarlett, le personnage emblématique qui donne vie à toute cette fiction, est complètement indifférente à ce qui se passe au front.

C’est donc principalement l’histoire d’un parcours de femme que l’on peut qualifier de hors du commun qui prend toute sa lumière ici. Cette femme c’est donc Scarlett, personne obstinément indépendante et volontaire. D’entrée nous savons avoir affaire à une femme de poigne qui n’a qu’une envie : se faire aimer. Craignant sa mère, elle fait tout pour paraître une femme de la bonne société, pleine de bonnes manières. Mais elle semble avoir hérité de nombreux traits de son père, homme irlandais assez rustre et bourru. Scarlett est une femme qui n’a confiance en personne si ce n’est en elle-même, elle rêve de liberté, de s’émanciper de ses attributions d’épouse (alors que l’époque veut qu’il faille être meilleure compagne et meilleure mère plutôt que tout autre rôle).

Scarlett est en ce sens un être à part : elle vit pour elle égoïstement et pour le plaisir de se savoir objet de convoitise et d’admiration. Ses deux sœurs Suellen et Carreen, bien que plus jeunes semblent avoir davantage de raison et d’adaptabilité aux bonnes mœurs. Elles cherchent à prendre mari et à fonder une maison. Pour Scarlett la priorité est de se réaliser professionnellement, notamment en gagnant son propre argent. Mais l’histoire prend naissance avant la guerre, alors que les jeunes gens du comté enchaînent les pique-niques et autres réjouissances mondaines. Mais c’est véritablement la terrible guerre qui brise l’insouciance du petit cercle amical pour qui le destin aurait été d’évoluer entre loisirs et responsabilités familières. Les hommes partent et s’engagent tandis que les femmes restent à l’arrière pour s’occuper des maisons, des plantations, des esclaves…

Dans ce portrait d’une Amérique tourmentée avec des conflits qui agitent nord et sud on prend partie pour les pauvres propriétaires terriens, dépossédés de leurs terres et de leurs biens. C’est la force de caractère de Scarlett, toujours debout malgré les épreuves, ne craignant ni Yankees ni rumeurs, qui nous la fait prendre en affection. Quels que soient tous les reproches que nous pourrions adresser à Scarlett, son pouvoir d’exécution est notable car unique chez une femme de son rang. Notre héroïne est néanmoins cupide, vénale et entêtée… il est toutefois indéniable que c’est elle qui mène le roman, elle qui déploie force et témérité pour protéger la terre de ses pères, Tara dont les fondations menacent d’être mis à sac.

Aurais-je oublié de vous parler de Rhett Butler ? Car lorsqu’on évoque Scarlett, autant_en_emporte_le_vent_1939_01_gle nom de Rhett n’est jamais loin. Homme à l’arrogance accoutumée dans le voisinage, pris en grippe par ses camarades qui le jugent lâche (il sera l’un des derniers à s’engager), Rhett est avant tout un personnage constant et passionné. Devant la froideur et le mépris de Scarlett, nous nous félicitons de trouver un Rhett cinglant et grossier, n’épargnant aucune épreuve à notre malheureuse héroïne. Je persiste à croire que notre homme est un être loyal, celui sur qui l’on pourrait uniquement dire que les apparences s’avèrent trompeuses.

Que le couple ami et fardeau (Ashley et Melanie) parait insipide face à deux grands caractères, deux forces de la nature ! Le contraste m’a paru d’autant plus saisissant qu’Ashley et Melanie, constamment sous la protection de Scarlett, cultivent un air ahuri et une sorte de découragement face au destin qui nous les rend agaçants et pleins de mollesse. On en vient à préférer la rudesse du couple phare à l'aspect gentiment guimauve de ce couple lisse et sans histoire.
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Pfiou, ça fait un beau morceau pour parler de ce livre qui me collait à la peau depuis près d’un mois sans que je puisse m’en débarrasser par les mots. Car lorsqu’on achève la saga on est juste éreinté, las comme si nous venions nous aussi de vivre une période de turpitude historique et/ou sentimentale. La porte de sortie, la délivrance pour moi ça a été de laisser ce livre arriver à maturation dans mon esprit, de le digérer. Je pense que j’aurais été moins indulgente envers Scarlett si j’avais tenté de juger son parcours avant aujourd’hui.

Bien plus que le contexte historique qui m’a garanti de grandes scènes que je me figurais à merveille : l’émergence du racisme, les luttes de pouvoir… j’ai apprécié d’assister à ce spectacle d’un conflit loin du front mais si près des cœurs. En prenant cette illustration de cas isolé et voué à première vue à l'échec, on est pris à partie, encore plus surpris de constater les répercussions de la guerre, encore mieux sensibilisé aux ravages de la bêtise humaine.

Qu’il a été bon de voir Scarlett trouver mille et un subterfuges pour protéger les héritages de sa famille. Voilà un personnage de femme forte qui m’a inspiré car on sent qu’un seul être a eu une prise sur de nombreux destins. Même si elle ne se conforme pas aux règles, même si elle prend plaisir à provoquer ses détracteurs, Scarlett a tellement de cordes à son arc qu'elle ne peut être que pardonnée pour toute son audace et sa fraicheur.

Un livre que je lâche comme une bouée à la mer, un livre à laisser flotter en surface, voilà ce qu’est ce roman-fleuve : un déferlement d’émotions, une succession d’éléments perturbateurs et un dénouement à couper le souffle (qui je le comprends a fait couler beaucoup d'encre). Que celui-ci qui ose à présent me dire qu’il ne lira pas ce « roman pour bonnes femmes » se lève et témoigne !


Autant en emporte le vent - Margaret Mitchell ; traduction de Pierre-François Caillé (vol. 1), Gallimard, 2009, 476 p.abc
Autant en emporte le vent - Margaret Mitchell ; traduction de Pierre-François Caillé (vol. 2), Gallimard, 1993, 478 p.
Autant en emporte le vent - Margaret Mitchell ; traduction de Pierre-François Caillé (vol. 3), Gallimard, 1995, 453 p.

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Commentaires
M
@ Manu : C'est sûr que c'est pas un petit livre. Mais bon, il y a du contenu, de l'intrigue et de l'amour donc la magie prend. Après, je le concède, il faut le laisser décanter un moment avant de pouvoir parler dessus.
M
Voilà quelques temps que j'ai envie de le lire mais son épaisseur me décourage un peu.
M
@ Folfaerie : Bien que tout à fait novice en la matière, je confirme que c'est une bien belle épopée que nous propose Mitchell sur fond de guerre de Sécession. Il faudra que je me documente sur le sujet. Qu'as-tu lu d'autres?
F
Un très beau roman, que dis-je l'un des chefs-d'oeuvre de la littérature américaine. Intéressée par la Guerre de Secession, j'ai lu pas mal d'autres romans s'y rapportant, mais aucun n'a le souffle du roman de Mitchell...
M
@ Mango : Effectivement je crois que le film est aussi populaire que le livre voire plus. Tout ça m'incite à me le procurer au plus vite pour voir si je retrouverai le plaisir de la lecture.
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