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Chez Mélopée
25 mars 2010

En lisant Tourgueniev de William Trevor

Dans cette histoire un personnage vient hanter les pages comme un esprit tourmenté. Eten_lisant pour cause puisque Marie-Louise qui est placée au centre de l’intrigue est comme un élément rapporté qui n’a aucune maîtrise de la situation ni de sa vie. J’aime prendre référence sur d’autres ouvrages et celui-ci m’a particulièrement fait penser à Madame Bovary de Flaubert. Je m’explique : notre héroïne de ce jour est une femme qui pense trouver son salut dans le mariage et la chaleur d’un foyer bien établi (mais elle leurre, cela va de soi). Bien avant de conclure l’arrangement nous sentons que l’entourage à une forte emprise sur notre personnage : sa sœur Letty est fermement opposée à cette union et son frère James semble être plus indifférent à cette relation.

Le livre prend de l’élan avec le fameux jour qui est normalement l’un des plus beaux dans une vie. Elmer Quarry, tenancier d’une grande boutique de tissus qui fait de constants bénéfices devient donc son mari. Mais en s’unissant à l’homme Marie-Louise aurait-elle pu soupçonner qu’elle devrait aussi prendre les sœurs de celui-ci dans son ménage futur? Et ce n’est pas une famille qui lui ouvre ses bras avec joie à laquelle Marie-Louise se retrouve confrontée : Rose et Mathilde, ses belle-sœurs sont deux vieilles filles recluses au magasin et rendues acariâtres par la vie. Une autre image m’est venue en faisant connaissance de ces demoiselles : Javotte et Anasthasie, les deux pimbêches de Cendrillon. J’ai peut-être besoin de signaler que Marie-Louise est issue d’une modeste famille fermière sans le sou mais dont les liens affectifs ne se démentent pas. Cette union entre deux familles que tout oppose sera explosive !


Passons maintenant à la structure du récit qui m’a quelque peu perturbée au départ. Le livre est construit avec une succession de courts chapitres qui illustrent en parallèle la vie de Marie-Louise à l’aube de sa vie de jeune mariée, et celle d’une Marie-Louise 50 ans après. Même si on se doute que l’action est scindée et que les deux voix n’ont donc pas de continuité, la construction du récit augure une mise en abime des plus efficaces. On a l’impression de voir les faits, puis de voir leurs conséquences par un trou de la serrure. C’est écrit avec une réelle habilité, dans un ton à la fois neutre et mesuré mais aussi avec une gravité qui nous touche indéniablement. Plus j’avançais dans l’intrigue plus j’arrivais à cerner des personnes complexes, en proie aux doutes, à la suspicion ou au vice (l’alcool). Et Marie-Louise tirait son épingle du jeu admirablement. Je ne veux pas révéler le fin mot mais dans ce tourbillon d’épreuves qui peu à peu la mettent en pièce, j’en arrivais à regarder son petit jeu avec la sévérité de son entourage. Que les autres fautent, cela passe encore, mais que Marie-Louise cherche une quelconque distraction dans la campagne environnante, dans la lecture de Tourgueniev entreprise avec son cousin… cela engendre une sorte d’amertume et de mépris. Dans ses errances, dans ses prises de conscience, on découvre une héroïne faible et qui fuit, qui préfère laisser les rumeurs se colporter plutôt que de rétablir la vérité. Et finalement… on la comprend !


Superbe ce livre ! Première découverte de la littérature irlandaise contemporaine grâce à mon amie Canel qui me l'a offert récemment à l'occasion du swap de la Saint-Patrick. J’y ai trouvé tous les ingrédients qui me ravissent dans un récit où le personnage prend tout le drap à lui. Les relations humaines, la difficile frontière entre vérité et mensonge sont aussi les enjeux de ce livre. Mais avant tout je retiendrai une petite bonne femme qui a l’étoffe d’une grande et qui se permet de nous le prouver avec son brin d'histoire.
Quel bon moment ! Du William Trevor, j’en redemande ! Et chose notable, on brûle d'envie d'ouvrir un roman de Tourgueniev pour connaître les mêmes vagues à l'âme que l'héroïne ce qui montre que ce livre ne demande qu'à être prolongé par d'autres de la même veine.

Pour une critique tout aussi positive, je vous convie chez Eireann Yvon fin connaisseur de la littérature irlandaise, Whiterose - qui a été très touchée également -. A lire, au plus vite !

En lisant Tourgueniev - William Trevor ; traduction de Cyril Veken (Ed. Phébus libretto, 2006, 236 p.)

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Commentaires
M
@ Choco : Oh oui je recommande ! Ce Trevor ça a été l'une des dernières meilleures découvertes de cette année 2010.
C
Je découvre et je suis très tentée !
M
@ Dominique : Oui c'est vrai que ça apparait comme une fatalité vers laquelle Marie-Louise se dirige sans protester. Mais bon on ne peut s'empêcher de se dire qu'il doit y avoir beaucoup de frustration de son côté.<br /> En tout cas, je compte en lire d'autres de Trevor.
D
C'était un mariage de convenance, et Marie-Louise n'avait aucune chance d'y échapper. Cela est bien montré. <br /> <br /> Le meilleur roman que j'ai lu de cet écrivain!
M
@ Sophie : Tant mieux si j'ai réussi à communiquer ce que j'avais ressenti. En tout cas cela aura été mon premier Trevor et pas le dernier ! :)
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