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Chez Mélopée
20 avril 2011

T'es pas la seule à être morte de Kristin Omarsdottir

Ce livre est le seul qui ait été traduit en français de cette auteur. Autant dire qu'avec un titre aussi provocateur, je n'ai pu qu'être attirée par cet ouvrage sorti de dieu sait où.
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Au commencement du récit il est question d'une famille typiquement islandaise et plus précisément de la fille qui n'a pas été vue depuis hier au soir. C'est tout un clan qui se rassemble dans l'angoisse et l'attente de ce qu'il adviendra. Il y a le père (Arni), le fils aîné (Thordur), le deuxième fils (Einar), le narrateur (et troisième fils : Hogni) ainsi que le fils cadet (Mani). Mais ce qu'on apprend petit à petit c'est que la famille s'est peu à peu volatilisée : Olöf (la fille aînée) est décédée ainsi que la mère. Et celle qu'on attend c'est Johanna (deuxième fille et troisième dans la fratrie) qui est sortie la veille au cinéma.

Les deuils qui entourent la famille sont bien loin de la plonger dans le désarroi. Ils font comme partie intégrante de la famille et les morts sont toujours évoqués comme des êtres normaux continuant à exister, penser, etc. Il est bien là le loufoque de la situation : les morts cohabitent avec les vivants et sont même les spectateurs actifs de ce qu'il se passe sur Terre. Car oui, la mère parle, tout comme Olöf et quelques congénères du paradis (Hemingway, Léonard de Vinci et j'en passe).

Tous ont leur place et leur mot à dire dans le roman. Ils se disputent les projecteurs comme l'atteste cette discussion venue de l'au-delà :

- Papa est allongé sur le canapé. Je ne sais pas trop ce qu'il lui arrive à ce pauvre papa. Ah si, il est endormi. Mon dieu, j'ai eu une sacrée peur !
Dieu : "Quelqu'un m'a appelé ?"
Dieu n'obtient aucune réponse.
"Je croyais qu'il ne respirait plus." (p. 53)

Voilà parfaitement ce qui m'a charmé dans ce livre. L'irruption de personnages irréels, ayant existé ou existant toujours. On a l'impression que c'est du pareil au même ! J'avais déjà constaté le lien toujours très présent entre une morte et sa fille dans La place du cœur (rappelez-vous, fille et mère se disputaient de bon cœur alors que la génitrice était déjà bel et bien morte et enterrée).

Je tiens d'ailleurs à saluer Eric Boury, traducteur et auteur d'une très bonne préface sur le rapport des Islandais avec la mort dans T'es pas la seule à être morte ! D'entrée de jeu on est soufflé par leur rapport diamétralement opposé au nôtre, nous Français. Car les Islandais ne font pas de la mort une fatalité, bien au contraire, c'est comme une trappe qui peut s'ouvrir à tout moment (les morts peuvent par exemple se manifester dans les rêves et être particulièrement influents).

Revenons-en à ce roman car il a été un euphorisant tout ce qu'il y a de plus salutaire. Cette famille dont les malheurs s'accumulent prend la vie avec philosophie. Les fils (et le plus jeune en tête) parlent de sexe alors qu'un cadavre gît toujours dans la pièce. Ils nettoient et habillent ce même cadavre avec le plus grand soin.
Moi qui suis tout à fait terrifiée par cette issue mortuaire, cette manière de relativiser et de continuer à vivre et à plaisanter même face à la tragédie, ça a été comme un soulagement, un poids en moins. Certes, il ne s'agit pas d'imiter ce comportement dans la réalité mais Kristin Omarsdottir a su, dans son roman, parler de la mort avec légèreté.
Autre exemple avec ce petit récapitulatif simpliste  (p. 110) :
Taille initiale de la famille :
4 frères
2 soeurs
1 mère
1 père
= 8
Taille actuelle de la famille :
8
- 4
= 4
4 au Ciel, 2 enterrés, 2 en route vers la tombe et 4 sur Terre.
 
Il y a de l'humour dans la présentation des choses et, à la réflexion, bien qu'il soit noir, on y adhère à coup sûr. Pour ma part je considère que c'est un tour de force d'entrainer le lecteur dans une série de deuils fictifs tout en faisant apparaître en lui une foule de sourires. Tour à tour on est pantois, heureux, étonné mais c'est pleinement positif qu'on ressort de cette histoire.

L'étincelle qui fait qu'on y prend goût c'est cette alternance entre le Ciel, où tous se retrouvent (attablés autour d'un Bacardi, observant les vivants), et la Terre où les derniers rescapés continuent leur petit bonhomme de chemin. Les dialogues sont savoureux, les répliques cinglantes et pleines de justesse.
Il est temps pour vous de découvrir l'univers décalé d'une famille hors du commun : celle du héros, Hogni, un adolescent de 16 ans qui voit son monde se dérouler et peu à peu s'écrouler. Mais quelle claque, mes amis !
Un autre avis sublimenent enthousiaste : celui d'Yvon !
 
T'es pas la seule à être morte - Kristin Omarsdottir ; traduction d'Eric Boury (Le cavalier bleu, 2003, 224 p., collection Matins d'ailleurs)
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Commentaires
L
J'ai terminé ma lecture faite avec A girl from earth. J'ai beaucoup apprécié le décalage que l'on peut avoir avec cette histoire. C'est peu banale, intéressant et très drôle.
S
Très tentant - surtout que j'adore la littérature islandaise (j'ai encore sept "islandais" dans ma PAL).
L
Je suis en train de le lire en lecture commune donc je n'ai pas lu ta critique. Par contre la réaction des commentaires est encourageante. Tant mieux.
T
Je suis obligée de noter et de le lire au plus vite. En plus, malgré ma résolution de ne plus charger mon GR, je t'ajoute, c'est trop bon ! Tout de bon pour le concours !!
M
Ahhhh je le veux celui-ci. Le titre et ton avis sont plus que tentants. Je n'en avais jamais entendu parler mais je vais essayer de le trouver. Merci !
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