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Chez Mélopée
13 décembre 2014

Yo-yo de Steinunn Sigurdardóttir

Avant toute chose, bien joué à moi qui ai mis le blog en sommeil (dernier article il y a un mois et demi) ! Faut-il donc que je sois en vacances pour repeupler l'espace de mots sur les livres aimés ? Il faut croire... Et bien voilà un livre qui porte en couverture un très juste "lésions dangereuses" de mon auteur islandaise chouchou, j'ai nommé Steinunn Sigurdardóttir, pour son petit dernier.

Martin Montag est radiothérapeute à Berlin. Il traque les tumeurs et vit avec Pétra, femme qu'il adore. Ensemble leur quotidien est sans nuage jusqu'à ce que Martin détecte chez un patient la présence d'une forme rebondie dans le ventre. L'objet incongru fait resurgir des souvenirs de lui lorsqu'il était enfant et qu'en sortant de l'école, il a suivi un inconnu jouant avec un yo-yo rouge. Cet épisode très traumatique vient ouvrir la fêlure profonde qui le fait stagner sur le fil entre la vie et la mort.

[...] je la consolais en disant que nous nous retrouverions tous les trois au ciel, là où tous les morts étaient de braves gens car les vilains bonshommes avec des yo-yo et les cannibales étaient en enfer avec Hitler et les pirates, Dieu soit loué. (p. 67)

En regard du médecin, il y a Martin Martinetti, ex-SDF qui, après avoir longtemps vécu en France, arpente la capitale allemande. Le paumé renvoie à celui qui a la vie rangée sa propre solitude, ses vieux démons et lui fait s'interroger sur l'enfance (car eux deux ne souhaitent pas avoir d'enfant). L'objet déclencheur, le yo-yo n'est pas anodin car il multiplie les va-et-vient, est toujours dans le mouvement tout comme les flashbacks du narrateur entre présent et passé. Et puis on ne peut ignorer cette répétition des prénoms : Martin/Martin/Martinetti, comme un miroir à l'infini. Ce personnage est à la fois un confident mais aussi une source d'espoir : là où le vagabond se reconstruit, le cancérologue lui voit ses convictions se déliter. Mais comme la situation est en perpétuel mouvance, les personnages interagissent, se réconfortent et s'insufflent les désirs d'un autre avenir.

C'est drôle car si je n'avais pas expressément cherché le dernier livre de Sigurdardóttir, je ne me serais sans doute jamais arrêté sur ce livre-là. Dans les précédents livres de l'auteur, j'avais aimé le cadre campé dans une Islande hors du temps. Ici, seules la France et l'Allemagne sont évoquées (mais Sigurdardóttir,a vécu sept ans en France avant de s'installer en Allemagne, ce qui peut expliquer cela) et le sujet en filigrane n'est pas la maladie mais bien la pédophilie. Elle est toujours glissée derrière des images, tue à tous par le héros honteux qui préfère courir le soir, faire la guerre aux tumeurs (tumeur, tu meurs... tel que dit dans le livre) que de faire face à sa douleur.

C'est un bien beau récit qui mériterait vraiment d'être tiré du lot. L'auteur place ses pions de manière fort stratégique et tous ses personnages sont incroyables de sensibilité et de dévouement.

Yo-yo - Steinunn Sigurdardóttir ; trad. de Catherine Eyjólfsson (H. d'Ormesson, 2013, 170 p.)

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Commentaires
V
un auteur que je n'ai toujours pas lu ! Bonne année Mélopée !
K
Ah oui, ça doit valoir le coup! Je le note celui-là, je suis très intriguée par ce que tu en dis.
A
Si tu reviens pour un livre, c'est qu'il doit être vraiment bien.
A
J'avais repéré ce livre, le titre + roman islandais m'avaient attirée, mais dès que j'ai vu "tumeur" en 4è page de couv', j'ai reposé le livre. En te lisant, je ne suis pas sûre que ce roman me parle davantage, les thématiques semblent quand même hard, mais bon, tu mets le doute...
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