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Chez Mélopée
22 décembre 2009

Je suis ton papa de Wang Shuo

wangEncore un livre chinois qui a été une totale découverte et qui m'a amusé de par l'angle nouveau : un père/un fils (deux personnalités complexes).

Un père, Ma Linsheng, élève seul son fils, Ma Rui, suite à un divorce houleux. C'est donc dans le quotidien de ce petit couple, aux heurts et malheurs fréquents, que nous emmène Wang Shuo. La position du père face à son jeune adolescent de 12-13 ans, en constante rébellion et pourfendeur de l'injustice, va être difficile à trouver. En effet, Ma Linsheng tente tout d'abord d'imposer son autorité en instaurant une certaine distance : Ma Rui le vouvoie, en a presque peur et ne cesse de se heurter à un mur.

Puis Ma Linsheng adopte une nouvelle stratégie : son fils a la permission de le tutoyer, de l'appeler par son prénom et ainsi le père pense régler les conflits. En expérimentant les rapports copain/copain, le père doit bien se rendre à l'évidence qu'ils sont dorénavant sur un même pied d'égalité. Cela donne des situations comiques : une partie de ping-pong où chacun, mauvais joueur, insulte l'autre... le ton monte, monte jusqu'à aboutir à une chute bien prévisible.
Dans cette nouvelle distribution des rôles, on rit du cocasse de certaines scènes où le fils tente de trouver une nouvelle compagne à son père, où Ma Linsheng joue le tout pour le tout afin d'intégrer la bande de copains de son fils, où il use de tous les stratagèmes (maladie feinte, fatigue, fouille méthodique des affaires...) pour être proche de Ma Rui. Comme si ce rapprochement avait fait de ces deux êtres deux frères aux ruses inépuisables.

Puis les statuts se disloquent et le père perd peu à peu de son "prestige" en devenant quasiment fils (fils de son fils... on se comprend?). Et c'est justement d'un drôle de voir que les rapports humains et surtout cette relation très complexe, d'un père avec son fils, peuvent s'ébranler et remettre tout un ordre familial en question.

Ma Linsheng jette un regard finaud sur son fils. Il a un petit gloussement :
- C'est pourquoi je te comprends. Je suis passé moi aussi par ce stade, et je sais ce que c'est que d'être un fils. [...]
- Ton père te battait souvent?
- Change de sujet, tu me fais perdre le fil, grommelle Ma Linsheng avec impatience. Tu m'as entendu? Je te comprends, moi, ton père. Je te comprends.
- J'ai entendu. Tu me comprends.
- Tu n'es pas touché?
- Je le suis.
- Puisque je te comprends, ne dois-tu pas me comprendre en retour?
- Tu me comprends parce que tu as toi aussi été un fils, mais moi qui n'ai jamais encore été père, comment veux-tu que je te comprenne? [...]
Le fils console son père :
- Mais je suis ravi que tu me comprennes." (pp. 300-301)


Je suis ton papa - Wang Shuo ; traduction d'Angélique Lévi et Wong Li-Yine (Flammarion, 1997, 404 p.)

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Commentaires
M
@ Lilibook : En effet, c'est une lecture assez désarçonnante mais distrayante. On se demande en permanence jusqu'où ira la surenchère dans ce rapport fusionnel/conflictuel. Et le résultat est à la hauteur ! :)
L
Une lecture qui a l'air originale.
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