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Chez Mélopée
10 février 2010

La femme du boucher de Li Ang

83142Inspiré d'un fait réel qui a défrayé la chronique à Taïwan, une femme de boucher à tué et dépecé son mari dans les années 80. En apparence inoffensive et craintive, la jeune femme était décriée dans le village au point qu'elle était mise à part et considérée comme une bête curieuse. Être boucher en ce temps-là c'est être destiné à la damnation car la mort est le lot commun de ces gens un peu marginaux.
Un couple infernal en somme qui cèle un pacte dans le malsain, dans un quotidien fait de violence, d'alcool et de misère.
C'est une histoire bien prenante car la petite population gravite autour de ces deux là, chacun jase sur ce qui se passe dans le foyer, chacun pense que c'est Lin Shi, l'épouse, qui attire les foudres de tous.
Quant au boucher, Chen-le-tueur-de-porcs, il accumule tous les vices : brutal, sanguinaire, sadique... Il fait de la vie de sa femme un enfer et provoque celle-ci pour que le démon s'empare d'elle. A son détriment, à lui !

Li Ang a obtenu avec La femme du boucher (repris sous le titre plus provocateur de Tuer son mari) le plus prestigieux prix littéraire là-bas, le Lianhe bao (L'union), à sa sortie. Pour un premier roman c'est une consécration qui place sur cette jeune auteur tous les espoirs. Effectivement le livre est d'une force assez extraordinaire dans le vocabulaire et la fluidité du style. Entre violence, sexe et tourments réguliers et séquencés on s'attendrait à un roman écrit par un homme dans la force de l'âge.
Mais c'est une jeune femme iconoclaste d'une trentaine d'années qui fige ce faits divers et le romance. La fiction est troublante et la valeur de cette œuvre est indéniable.

Le roman commence avec l'article relatant les faits réels dans un journal national de l'époque. On part donc du fait tel qu'il a eu lieu pour revenir sur les mécanismes qui ont conduit à un tel drame au sein d'une famille qui paraissait, si ce n'est pas banale, du moins sans histoire. Et la découverte du schéma en place révèle son lot de surprises pour nous conduire au dénouement tant attendu rendu avec un sang froid qui nous laisse coi. Mais le plus étrange c'est qu'on ne parvient pas à s'apitoyer sur le sort de la femme et encore moins sur celui du mari. Malgré les privations qu'il lui astreignait, elle a acquis au fil du roman une légitimité et un pouvoir de manipulation qui la rend indépendante et libre d'agir. Résultat assez surprenant !

A partir de ce moment, il commença effectivement à tout mettre sous clé, dans le buffet, y compris le riz et les patates. Chaque fois qu'il mangeait à la maison, il donnait à Lin Shi la quantité nécessaire pour qu'elle prépare son repas, et non seulement il ne la laissait pas goûter une seule bouchée, mais il exigeait d'elle qu'elle le serve et qu'elle le regarde se régaler. (p. 176)

Un livre prenant qui incite à se procurer d'autres livres de Li Ang. Le jardin des égarements risque d'être une de mes prochaines lectures.
Je vous avais présenté hier Essais de micro d'un autre auteur taïwanais et j'ai voulu continuer sur cette lignée d'auteurs un peu atypiques sur leur île isolée.

La femme du boucher ; appelé au départ Tuer son mari - Li Ang ; traduction d'Alain Peyraube et Hua-Fang Vizcarra (Flammarion, 1992, 199 p.)

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Commentaires
A
Cet article m'a beaucoup touchée. Je retiens le tire.
M
@ Choco : Pr...Min... c'est un très bon endroit pour trouver des bouquins d'occaz à des prix raisonnables. Et tu as craqué? Victoire alors ! :)<br /> <br /> @ Angie : Ah ça j'avoue, au niveau des titres ils ont joué le percutant au max. Mais je pense que ce genre d'atmosphère ne peut laisser indifférent. Ne serait-ce que parce que la misère et la déchéance de l'âme humaine peuvent tous nous toucher.
A
La réponse a "est-ce glauque?" m'a convaincu qu'il fallait que je le lise!! j'aime assez bien ce genre d'atmosphère!! direction ma Lal!! mais j'avoue que le titre est assez flippant...
C
épuisé certes mais je l'ai trouvé d'occaz à pas cher sur Pr... Min... :D<br /> (bon j'ai craqué donc... !)
M
@ Aifelle : Pas trop glauque? Ah, je dirais "joker" car c'est assez miséreux dans le ton. On nage dans une ambiance à la Zola pleine de sueur et de misère. Donc d'un certain angle, oui c'est assez glauque et dérangeant !<br /> <br /> @ Mango : Bien contente que t'aies pris en note. En espérant que cet aspect de la littérature trouvera du répondant aussi chez toi.<br /> <br /> @ Géraldine : Ah ça ! Oui c'est assez spécial donc si tu n'es pas spécialement branchée je pense que tu pourrais presque en être dégoutée. <br /> <br /> @ Catherine : Je suis d'accord, c'est pas la gentille couverture d'un couple heureux. Mais elle représente bien une femme en proie à la violence, ultime recours comme échappatoire d'une vie de toute façon vouée à l'échec.<br /> <br /> @ Choco : Il est épuisé sous les deux titres "Tuer son mari" et "La femme du boucher"? C'est dans ces moments-là que je dis "merci la bibliothèque" :)<br /> <br /> @ Naina : Dans la préface du livre il est dit que le titre "La femme du boucher" a été adopté à sa sortie en France pour ne pas trop créer la polémique (ne pas envoyer de messages subliminaux?! ;)). Bon en même temps mon édition date de 1992 et je pense qu'en cas de réédition, il est passé le temps où on prenait les titres au premier degré et "Tuer son mari", en tant que cheminement et but en soi, me paraît plus adapté que "La femme du boucher". Enfin les deux se valent... <br /> <br /> @ Didi : Moi je garde quand même ton livre en mémoire en tant que probable prochaine lecture car j'ai vraiment apprécié le style de Li Ang, très percutant et sans chichis.
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