La cote 400 de Sophie Divry
Attention, attention, premier roman de grande qualité !
Je sors charmée de cette lecture éclair, car en 64 pages, Sophie Divry a réussi à éveiller de nombreuses problématiques liées au livre. Mais venons-en à l’intrigue !
Une
bibliothécaire cinquantenaire fait un tour de ronde dans ses rayonnages
avant l’ouverture et tombe sur un lecteur endormi. Il sera, durant tout
le livre, le témoin et l’interlocuteur – bien qu’il ne dise pas un mot
tout au long de l’histoire – de notre bibliothécaire qui en a gros sur
la patate. Elle a envie de parler, elle a besoin d'évacuer ce qui
l’indigne et en cela c’est le livre, les lecteurs qui vont lui donner
matière à discussion. La voilà partie dans un énergique monologue qui ne
connait pas de fin. Elle exerce son métier depuis vingt-cinq ans et a
donc une solide expérience qu’elle souhaite enfin révéler au grand jour.
Reléguée
au rayon Géographie, elle se lamente de ne pas avoir eu le bon rayon
car c’est l’Histoire qui la passionne. Et la Littérature, aussi !
Alors
elle sent sommeiller toutes ses capacités, toutes ses envies de changer
le monde et de partager, car qui viendrait en Géographie, dans le
sacro-saint sous-sol où elle vit loin de la lumière ?
Au fil des
pages elle se dévoile, dérive et extrapole en abordant le livre (bien
sûr), la classification universelle de Dewey (que tous les
bibliothécaires doivent bien connaître), la rentrée littéraire, les hommes…
Moi, j’ai besoin de grandes choses. Alors, les hommes, c’est fini. L’amour, je le trouve dans les livres. Je lis beaucoup, ça me console. On n’est jamais seule quand on vit parmi les livres. (p. 18)
Mais
il y a ce Martin, fréquent usager de la section, étudiant acharné à la
nuque pleine de promesses. Notre bibliothécaire rêve et sublime cet
homme qui lui rend visite fréquemment.
Et sinon, pourquoi ce titre ?
400 c’est une des classes instaurées par Dewey. Ce système permet de se
retrouver en bibliothèque grâce à des subdivisons par sujets : 000
ouvrages généraux, 100 philosophie, 200 religion, etc. Et le voilà le
grand problème qui mériterait qu’on s’y penche : la cote 400 est
vacante puisqu’on l’a remaniée. A la cote 400 c’est le vide. De quoi
polémiquer dans le vaste champ des sujets.
Nous lecteurs, petits voyeurs assistant à ce grand moment d'abandon, on pioche dans les réflexions, on les picore, on s’enthousiasme de la verve et du panache de cette bibliothécaire qui nous donnerait bien envie de discutailler des heures et des heures. Son style sec, en petites phrases très affirmées ont bien raison des longs délayages qui ne mènent à rien.
A travers cette mise en scène de la bibliothèque, c'est bien une ode à la lecture que nous avons là, rien de moins !
D'autres avis dans la lignée du mien chez Malice, Hélène, Lalou, Cathulu et... j'ai cru comprendre d'après leur critique à toutes qu'il était en train de voyager. Avis aux amateurs, c'est un livre à ne pas manquer !
La cote 400 - Sophie Divry (Les Allusifs, 2010, 64 p.)